REFORME BACHELOT : CA DEVIENT DUR DE SE SOIGNER !
Le débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi "Hôpital, patients, territoire, santé" (HPST).s'est achevé mercredi dernier 18 mars. Les députés ont donc adopté par 292 voix contre 199 le projet de loi Bachelot sur l'hôpital, lors d'un vote solennel en première lecture. La majorité UMP a approuvé ce texte, l'ensemble de la gauche votant contre. Une partie des députés Nouveau centre s'est abstenue. Le texte est désormais en route vers le Sénat. Il ne devrait pas y être examiné avant le mois de mai.
A l’étude depuis plusieurs semaines, les médias ont insisté surtout sur les restrictions de la vente du tabac et de l’alcool aux mineurs, mais au-delà de ces points, c’est surtout le manque d’ambition de cette loi qui est patent.
Que reste-t-il aujourd’hui, de ce projet de loi conçu notamment pour lutter contre les déserts médicaux, améliorer la permanence des soins, désengorger l’hôpital ... ? Comment et à quelles fins, la droite organise depuis 2002 le démantèlement du service public de santé ? Le gouvernement et sa majorité refusent d’en débattre.
En effet, avec cette réforme, les hôpitaux sont surtout sommés d’être rentables ! Réductions d’effectifs, tarification à l’activité, ... ont pour effet de dégrader le système de soins sans parvenir à équilibrer les comptes de la Sécurité Sociale, ni des hôpitaux.
Mais le projet de loi passe surtout à côté de l’enjeu essentiel : les inégalités de santé. On vit beaucoup plus longtemps et en meilleure santé quand on est riche. Cette inégalité fondamentale ne choque semble-t-il personne. Le gouvernement s’engage dans une privatisation lancinante de l’hôpital, qui débouche sur une médecine à plusieurs vitesses. Pire encore, ce projet de loi détricote le service public hospitalier en permettant aux cliniques privées de choisir, à la carte, les missions de service public qu’elles assumeront. En clair, il donne le droit aux cliniques privées de refuser la permanence des soins ou la prise en charge des malades les plus pauvres.
Le projet de loi crée les Agences Régionales de Santé mais sans définir avec pertinence les responsabilités des acteurs et leur coordination. Sur la direction des hôpitaux, nous ne sommes pas opposés à l’idée qu’il y ait un directeur qui définisse une stratégie à condition que tous les acteurs soient associés. Nous ne sommes pas non plus opposés à l’intéressement des praticiens publics si les critères retenus pour cela sont d’ordre qualitatif et non quantitatif, car on ne saurait accepter une logique de rentabilité par rapport aux soins. Le pilotage des ARS ne peut se limiter au seul directeur général, nommé par le gouvernement. Il faut un pilotage national fort des ARS, une agence nationale et non un simple comité de pilotage Les élus locaux doivent avoir de vraies responsabilités d’organisation de la politique sanitaire. La prise en compte des inégalités territoriales, l’aménagement sanitaire, la sécurité et l’accès réel aux soins de qualité sont autant de paramètres qui imposent que les représentants de la population prennent une place essentielle dans le dispositif. Or avec la transformation du conseil d'administration des hôpitaux en un conseil de surveillance les soignants sont marginalisés au profit des gestionnaires dans une logique purement financière, les élus, les usagers et les organisations syndicales sont réduits à la portion congrue.
Le gouvernement et la droite parlementaire ont également dit non aux propositions pour assurer l’accès à des soins de proximité dans le cadre d’un service public. Aucune mesure efficace n’a été prévue pour maintenir une présence médicale suffisante dans les quartiers ou dans les campagnes. L’abandon en 2003 de l’obligation pour les médecins de participer à la permanence de soins a rendu encore plus difficile l’accès à un médecin généraliste le soir, la nuit ou le week-end. Et faute d’actions volontaristes de nombreuses régions manquent de médecins et d’équipements sanitaires. Le PS a soutenu le mouvement des internes et des jeunes médecins qui refusaient un système coercitif. Depuis les EGOS (États Généraux de l’Offre de Soins) ont abouti à des propositions intéressantes : Les maisons de santé et les réseaux de soins associant plusieurs professions de santé, la diversification des modes de rémunérations font partie des propositions que les socialistes ont faites depuis des années. Le gouvernement propose des méthodes incitatives. Nous émettons des réserves pour les médecins en zone rurale ou dans les quartiers, dont le problème est moins sa rémunération que ses conditions de travail et ses conditions de vie. Ce problème est lié directement à l’aménagement du territoire. En cas d’échec, il faudra bien être plus directif pour trouver une solution à ce problème. Or le gouvernement a renoncé à encadrer la liberté d’implantation des médecins pendant trois ans et à interdire l'installation des médecins et des professions paramédicales dans les zones surdenses : d’ici là, les manques de médecins, notamment spécialistes, dans les déserts médicaux se seront renforcés. Ce projet est malheureusement en phase avec la politique de l’Union européenne, qui défend une libre circulation médicale qui ne profitera qu’aux patients aisés.
Concernant les dépassements d’honoraires, le texte renvoie la négociation aux partenaires conventionnels. Il faudrait pourtant moraliser ce système de financement. Il y a des dépassements inconsidérés qui ne sont pas encadrés, sans parler des dessous de table, pratiques qu’il faudra bien un jour dénoncer. Par ailleurs le système du paiement à l’acte est à bout de souffle et le mode de rémunération aurait dû être un élément important du débat.
D'autres mesures dangereuses ont été prises comme le fait que les centres de santé pourront maintenant être gérés par des organismes à but lucratif, poussant ainsi à la marchandisation de la santé. Et bien sûr le gouvernement n’est pas revenu sur les scandaleuses « franchises médicales » qu’il a créées l’an dernier…
Enfin, la prévention et l’éducation à la santé sont absentes. Les programmes d’éducation thérapeutique ont une influence essentielle sur l’accompagnement des malades et sur la maitrise de la consommation médicale. Le projet de loi reconnaît leur importance mais ne définit ni les programmes, ni les financements, ni leur indépendance nécessaire par rapport à l’industrie pharmaceutique. Le volet santé publique est réduit à la prévention de l'alcoolisme chez les jeunes et l'éducation thérapeutique des malades chroniques comme les diabétiques, mais on ne parle pas de l'obésité, de l'anorexie ... L’éducation à la santé dans le monde scolaire, du travail, carcéral est absente du projet de loi. Et rien n’est dit sur le vieillissement de la population ou sur la santé mentale qui concerne pourtant 1/5 de la population.
C’est l’institutionnalisation de cette médecine inégalitaire qui nous heurte et que les députés socialistes ont combattu durant tout ce débat.
Pourtant les socialistes ont fait une série de propositions ayant pour ambition de garantir à chacun le même droit à la santé. Le gouvernement et sa majorité ont refusé d’en débattre.
Pour un système de santé juste et solidaire :
• Supprimer les franchises médicales
• Supprimer de nombreuses niches sociales
• Faire bénéficier d’une couverture complémentaire les enfants en situation d’exclusion
• Faire contribuer fortement les rémunérations liées aux parachutes dorés et aux stock options
Elaborer un plan de sauvegarde pour l’hôpital
• Renégocier les conditions d’application de la tarification à l’activité pour reconnaître les missions de service public et le rôle des services d’urgence
• Apurer la dette des hôpitaux
• Reconnaître et valoriser le travail des professionnels
• Interdire aux établissements privés de sélectionner les missions de service public qu’ils acceptent d’accomplir
• Favoriser le développement de l’hospitalisation à domicile
• Renforcer la participation des professionnels de santé au conseil d’administration et renforcer la démocratie sanitaire
• Organiser la coopération entre les établissements plutôt que la concurrence
Mener une action volontariste contre les déserts médicaux
• Mettre en place un vaste plan en faveur de l’emploi, de la revalorisation et de la qualification des professionnels de santé
• Définir les soins de premier recours à partir d’obligations de santé publique
• Favoriser la création de maisons de santé et les réseaux de soins associant plusieurs professions de santé
• Contraindre l’installation des médecins et des professions paramédicales dans les zones désertées
S’appuyer sur un système de santé centré sur la prévention et la santé publique
• Améliorer l’éducation à la santé à l’école
• Donner une priorité à la lutte contre l’obésité notamment chez les jeunes
• Evaluer systématiquement l’impact des décisions publiques sur la santé et rééquilibrer le curatif et le préventif
Développer un pilotage intégré au niveau régional
• Garantir une coopération hospitalière entre grands centres et hôpitaux de proximité
• Définir des « projets médicaux de territoire » autour de la médecine de premier recours
• Créer des agences régionales de santé pour mettre en œuvre, sous la responsabilité des élus locaux, en associant professionnels et usagers, une organisation de l’offre de soins en fonction des besoins de la population et des territoires.
• Intégrer le secteur médico-social dans le champ des agences régionales de santé pour favoriser l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées.
Pour les socialistes, il faut agir afin de GARANTIR LA SANTE DE CHACUN, en assumant pleinement les dépenses que cela représente. Nous devons nous engager avec force dans la défense de notre système de santé, face aux menaces que la droite fait planer sur lui.
Téléchargez sous format pdf les propositions du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale